Depuis quelque jours, l’eau ne coule plus à flot à Dakar et sa région
Depuis quelques semaines, un phénomène déplorable secoue l’agglomération de Dakar. Les populations manquent cruellement d’eau ! Les grandes chaleurs sont imminentes, les populations ont soif et cherchent l’eau à longueur de journée… Ce précieux sésame est encore aux abonnés absents alors qu’en milieu rural et ou urbain l'eau est indispensable pour toute vie.
Cette pénurie d’eau vient s’ajouter à une longue liste de problèmes sociaux et économiques qui gangrènent le bien-être des populations. De fait, le chômage chronique chez les jeunes, reste une bombe sociale à désamorcer. On note la baisse du pouvoir d’achat pour une grande majorité de sénégalais le cortège d’incertitudes de la saison des pluies, qui commence, en termes d’inondations et de fragilisation d’habitations. Ces différents maux assombrissent jour après jour le moral des ménages sénégalais…
Malgré un taux de croissance affiché à plus de 5%, depuis quelques années, faire face à des urgences de survie, est devenu le lot quotidien d’une frange non négligeable de la population L’on peut tour à tour citer la faiblesse des revenus, un accès sporadique à l’eau, chômage persistant inhibant l’accès au logement décent, au système de soins sans omettre l’accès au système éducatif et de formation pour adultes...
« La croissance ne se mange pas et ne se boit », me disait récemment lors d’un récent échange un natif de la zone de Mbeubeuss. Si elle ne revêt pas les habits de l’inclusion, la population, bien qu’étant constituée d’adeptes du « mougne » (supporter en wolof) ne restera, visiblement endormie dans un lit d’opium. C’est la paix sociale qui est en jeu à travers le défi gigantesque que représente une eau potable en quantité et en qualité, à un prix abordable pour tous.
Le défi d’une eau potable en quantité et qualité pour tous
La quête d’efficience dans l’allocations des ressources de l’Etat, obéit certes à des arbitrages complexes toutefois, certaines décisions stratégiques ont vocation à avoir des impacts sur des durées, parfois hors de portée de l’horizon temporel du décideur. L’avoir en tête permet une acuité et une priorisation des chantiers, au-delà de toute logique partisane ou clientélisme. Oui, le réseau d’infrastructures de transports nécessite d’être massifié, oui la construction d’une arène dernière génération peut permettre de professionnaliser l’écosystème de la lutte sénégalaise, ce sport bien de chez nous. Ces investissements ne sont pas de « mauvais » en soi pour bon nombre de citoyens, mais quel est leur degré d’urgence face à des populations qui ont un cruel besoin d’étancher leur soif. Une eau saine, disponible pour tous aussi bien en zone urbaine qu’en zone rurale ne tolère aucune approche en silo.
Au cours des douze derniers mois, il a été donné de constater que dans beaucoup de localités de l’agglomération dakaroise, d’aucuns passent des nuits blanches pour chasser les précieuses gouttes d’eau du robinet. Dans ce grand pôle urbain, où le nombre d’habitants ne cesse de croitre, avec un habitat en immeuble qui s’accélère, il est urgent d’imaginer la corvée que vivent les occupants des étages supérieurs. La pression de l’eau, assez faible, ne favorise pas un accès optimal à l’eau pour ceux qui habitent en hauteur. Combien de ces immeubles disposent de réservoir d’eau pouvant être utilisés par les occupants en cas de coupure ? A cette rareté s’ajoute aussi le déficit de qualité. Dans des localités comme Guédiawaye, l’eau qui coule du robinet est souvent de couleur ocre. Sachant que les populations n’ont pas d’autres choix que de la consommer, le problème de santé publique posé est crucial. La consommation d’une eau malsaine reste la première source de maladies et de mortalité en Afrique Subsaharienne.
La SDE (Sénégalaise des Eaux) en charge de l’exploitation, de la production et de la distribution de l’eau dans l’agglomération dakaroise a remporté le prix de la société de l’eau de l’année en mai 2018. « Water Utility of the Year Awards ». Pendant ce temps, les populations, censées être les premières bénéficiaires des services de la SDE, souffrent du manque d’eau depuis beaucoup trop longtemps. Cette situation interroge d’une part sur les critères d’attribution de ce prix et d’autre part sur les indicateurs de performance et de qualité dudit prix. Cela montre aussi le fossé entre l’expert convaincu de détenir la vérité et l’opinion et d’autres préoccupations des populations confrontées régulièrement à ce problème récurrent de l’accessibilité de l’eau pour les ménages au Sénégal.
Soutenir, accroitre les investissements et accélérer la réalisation des infrastructures, doivent rester au cœur de la stratégie du PSE (Plan Sénégal Emergent) pour éradiquer durablement le déficit d’accès à l’eau potable au Sénégal. La démographie galopante que connaît notre pays fait appel à une nécessaire mise à niveau pour s’adapter et prévoir des plans B. Fournir l’eau en quantité et en bonne qualité devrait être une préoccupation majeure dans nos pays pour nous défaire de toutes ses maladies bénignes qui tuent encore beaucoup trop de personnes en Afrique Subsaharienne. Les investissements et travaux de la SDE, l’Etat du Sénégal et leurs partenaires pour renforcer l’accès à l’eau potable dans la région dakaroise à l’horizon 2025-2030 sont à considérer. En attendant les populations assoiffées sont abandonnées à leur triste sort. Une communication de crise pour les rassurer et leur démontrer que leurs préoccupations sont au cœur des prises de décisions des autorités compétentes, jumelées à des solutions de substitution plus fréquentes et plus justes pourraient en attendant être des éléments de réponse et d’apaisement.
Dans un Sénégal en quête d’émergence, fermer les vannes de l’eau, c’est se priver d’un levier d’essor socio-économique inestimable. Il n’est plus à démontrer que relever ce défi, c'est aussi promouvoir une croissance économique accélérée, un développement durable, une meilleure santé, et la réduction de la pauvreté in fine…
Vers des émeutes de la soif ?
Des scènes de bousculade pour avoir la « chance » de remplir quelques bidons d’eau, se multiplient dans la région dakaroise. On y note des échanges tendus avec les forces de l’ordre et ces populations inquiètes et désabusées par cette désastreuse situation… Celle-ci pourrait dégénérer car elle traduit une profonde lassitude de la population. L’eau est vitale, sans elle, aucun homme ne peut vivre dignement. En être privé, peut générer de violentes manifestations. Les émeutes de la soif pourraient être plus virulentes que celles de la faim, d‘il y a quelques années. Il est de notoriété publique que le Sénégal est un pays de paix, alors qu’il le reste pour l’éternité. Mais soyons conscients qu’il existe un réel distinguo entre une paix clamée et une paix réclamée. Même si le « mougne » est la vertu la mieux partagée, les indignations de ces populations, privées d’un droit fondamental, qui est celui de l’accès à une eau potable, naviguent sur un balancier entre les deux dimensions et semble être un cri de cœur pour inclure leurs attentes, et celles d'une majorité dans les politiques nationales.
N’est-ce pas là tout le challenge du Dirigeant Homme d’Etat dans ses prises de décisions ?
Cécile Thiakane
Actrice du développement social
cecile.thiakane@humanbet.com
Depuis quelques semaines, un phénomène déplorable secoue l’agglomération de Dakar. Les populations manquent cruellement d’eau ! Les grandes chaleurs sont imminentes, les populations ont soif et cherchent l’eau à longueur de journée… Ce précieux sésame est encore aux abonnés absents alors qu’en milieu rural et ou urbain l'eau est indispensable pour toute vie.
Cette pénurie d’eau vient s’ajouter à une longue liste de problèmes sociaux et économiques qui gangrènent le bien-être des populations. De fait, le chômage chronique chez les jeunes, reste une bombe sociale à désamorcer. On note la baisse du pouvoir d’achat pour une grande majorité de sénégalais le cortège d’incertitudes de la saison des pluies, qui commence, en termes d’inondations et de fragilisation d’habitations. Ces différents maux assombrissent jour après jour le moral des ménages sénégalais…
Malgré un taux de croissance affiché à plus de 5%, depuis quelques années, faire face à des urgences de survie, est devenu le lot quotidien d’une frange non négligeable de la population L’on peut tour à tour citer la faiblesse des revenus, un accès sporadique à l’eau, chômage persistant inhibant l’accès au logement décent, au système de soins sans omettre l’accès au système éducatif et de formation pour adultes...
« La croissance ne se mange pas et ne se boit », me disait récemment lors d’un récent échange un natif de la zone de Mbeubeuss. Si elle ne revêt pas les habits de l’inclusion, la population, bien qu’étant constituée d’adeptes du « mougne » (supporter en wolof) ne restera, visiblement endormie dans un lit d’opium. C’est la paix sociale qui est en jeu à travers le défi gigantesque que représente une eau potable en quantité et en qualité, à un prix abordable pour tous.
Le défi d’une eau potable en quantité et qualité pour tous
La quête d’efficience dans l’allocations des ressources de l’Etat, obéit certes à des arbitrages complexes toutefois, certaines décisions stratégiques ont vocation à avoir des impacts sur des durées, parfois hors de portée de l’horizon temporel du décideur. L’avoir en tête permet une acuité et une priorisation des chantiers, au-delà de toute logique partisane ou clientélisme. Oui, le réseau d’infrastructures de transports nécessite d’être massifié, oui la construction d’une arène dernière génération peut permettre de professionnaliser l’écosystème de la lutte sénégalaise, ce sport bien de chez nous. Ces investissements ne sont pas de « mauvais » en soi pour bon nombre de citoyens, mais quel est leur degré d’urgence face à des populations qui ont un cruel besoin d’étancher leur soif. Une eau saine, disponible pour tous aussi bien en zone urbaine qu’en zone rurale ne tolère aucune approche en silo.
Au cours des douze derniers mois, il a été donné de constater que dans beaucoup de localités de l’agglomération dakaroise, d’aucuns passent des nuits blanches pour chasser les précieuses gouttes d’eau du robinet. Dans ce grand pôle urbain, où le nombre d’habitants ne cesse de croitre, avec un habitat en immeuble qui s’accélère, il est urgent d’imaginer la corvée que vivent les occupants des étages supérieurs. La pression de l’eau, assez faible, ne favorise pas un accès optimal à l’eau pour ceux qui habitent en hauteur. Combien de ces immeubles disposent de réservoir d’eau pouvant être utilisés par les occupants en cas de coupure ? A cette rareté s’ajoute aussi le déficit de qualité. Dans des localités comme Guédiawaye, l’eau qui coule du robinet est souvent de couleur ocre. Sachant que les populations n’ont pas d’autres choix que de la consommer, le problème de santé publique posé est crucial. La consommation d’une eau malsaine reste la première source de maladies et de mortalité en Afrique Subsaharienne.
La SDE (Sénégalaise des Eaux) en charge de l’exploitation, de la production et de la distribution de l’eau dans l’agglomération dakaroise a remporté le prix de la société de l’eau de l’année en mai 2018. « Water Utility of the Year Awards ». Pendant ce temps, les populations, censées être les premières bénéficiaires des services de la SDE, souffrent du manque d’eau depuis beaucoup trop longtemps. Cette situation interroge d’une part sur les critères d’attribution de ce prix et d’autre part sur les indicateurs de performance et de qualité dudit prix. Cela montre aussi le fossé entre l’expert convaincu de détenir la vérité et l’opinion et d’autres préoccupations des populations confrontées régulièrement à ce problème récurrent de l’accessibilité de l’eau pour les ménages au Sénégal.
Soutenir, accroitre les investissements et accélérer la réalisation des infrastructures, doivent rester au cœur de la stratégie du PSE (Plan Sénégal Emergent) pour éradiquer durablement le déficit d’accès à l’eau potable au Sénégal. La démographie galopante que connaît notre pays fait appel à une nécessaire mise à niveau pour s’adapter et prévoir des plans B. Fournir l’eau en quantité et en bonne qualité devrait être une préoccupation majeure dans nos pays pour nous défaire de toutes ses maladies bénignes qui tuent encore beaucoup trop de personnes en Afrique Subsaharienne. Les investissements et travaux de la SDE, l’Etat du Sénégal et leurs partenaires pour renforcer l’accès à l’eau potable dans la région dakaroise à l’horizon 2025-2030 sont à considérer. En attendant les populations assoiffées sont abandonnées à leur triste sort. Une communication de crise pour les rassurer et leur démontrer que leurs préoccupations sont au cœur des prises de décisions des autorités compétentes, jumelées à des solutions de substitution plus fréquentes et plus justes pourraient en attendant être des éléments de réponse et d’apaisement.
Dans un Sénégal en quête d’émergence, fermer les vannes de l’eau, c’est se priver d’un levier d’essor socio-économique inestimable. Il n’est plus à démontrer que relever ce défi, c'est aussi promouvoir une croissance économique accélérée, un développement durable, une meilleure santé, et la réduction de la pauvreté in fine…
Vers des émeutes de la soif ?
Des scènes de bousculade pour avoir la « chance » de remplir quelques bidons d’eau, se multiplient dans la région dakaroise. On y note des échanges tendus avec les forces de l’ordre et ces populations inquiètes et désabusées par cette désastreuse situation… Celle-ci pourrait dégénérer car elle traduit une profonde lassitude de la population. L’eau est vitale, sans elle, aucun homme ne peut vivre dignement. En être privé, peut générer de violentes manifestations. Les émeutes de la soif pourraient être plus virulentes que celles de la faim, d‘il y a quelques années. Il est de notoriété publique que le Sénégal est un pays de paix, alors qu’il le reste pour l’éternité. Mais soyons conscients qu’il existe un réel distinguo entre une paix clamée et une paix réclamée. Même si le « mougne » est la vertu la mieux partagée, les indignations de ces populations, privées d’un droit fondamental, qui est celui de l’accès à une eau potable, naviguent sur un balancier entre les deux dimensions et semble être un cri de cœur pour inclure leurs attentes, et celles d'une majorité dans les politiques nationales.
N’est-ce pas là tout le challenge du Dirigeant Homme d’Etat dans ses prises de décisions ?
Cécile Thiakane
Actrice du développement social
cecile.thiakane@humanbet.com
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